Comment je mène Out of the Abyss : sessions 2 & 3

 Les 24 et 25 octobre dernier, nous jouions les sessions 2 et 3 d'OotA. L'annonce du confinement m'a fait retarder l'écriture de ce billet, mais on m'a soufflé dans l'oreillette que ce tenait en ce moment-même une Game Jam sur le thème du voyage, et puisque nos protagonistes ont passé deux séances à voyager en Outreterre, je me dis que ce billet pourrait donner du grain à moudre à ceux qui me lisent.1

Ainsi, lors de notre précédente session, après avoir échappé à leurs geôliers drows, les personnages se retrouvent dans l'Outreterre, sans provisions ni matériel (ou presque), pourchassés et sans connaissance du chemin qui leur permettrait de retrouver la surface.

La campagne oriente fortement le choix d'une destination, notamment pour des problématiques de comptabilité de niveau entre les rencontres proposées et celui du groupe. Out of the Abyss a des faux airs de bac-à-sable mais relève plutôt du scénario linéaire en plein déni. Notez que cela n'est pas nécessairement un problème : bien (a)mené, ça passe tout seul; et c'est assez thématique : les personnages n'ont pas une connaissance suffisante de l'Outrerre (à ce stade) pour pouvoir choisir en toute conscience la meilleure destination, et ils doivent donc pour cela faire confiance à la tripotée de PNJ qui les accompagne. Alors, sur les conseils de Suushar, un mystique kuo-toa pacifiste, les voilà en route pour Sloobludop, village kuo-toa sis sur les bords du Lac Noir, un genre d'océan souterrain. 

Dépendamment de leur rythme de marche (qui, en retour, influe sur leurs capacités à chercher de la nourriture, à couvrir leurs traces et tout bonnement à se reposer), le livre prévoit un trajet d'environ 6 à 10 jours pour rejoindre le village. Les distances kilométriques ont peu de sens en Outreterre - pensez à deux endroits séparés par un kilomètre de roche solide : aller de l'un à l'autre pourrait parfaitement nécessiter un détour de trois jours... ou un mois à creuser ! - mais le livre fournit tout de même une distance approximative qui permet de facilement tenir compte du temps qui passe. Par exemple, un rythme rapide enlève X km de l'objectif, un rythme lent X/2, etc.

Occuper le voyage

Pour rendre vivant le voyage, la campagne propose d'utiliser une classique table de rencontres aléatoires, proposant de faire deux jets de dés par jour, avec 45% de chances de rencontrer quelque chose (soit un élément de décor, soit des créatures, soit les deux). Concrètement, cela veut dire un peu moins d'une rencontre par jour. Par ailleurs, même si un effort a été fait, la plupart des rencontres proposées dans le livre sont assez ternes : voilà 1d6+4 pillards orques, démerdez-vous pour en faire une histoire. Pas de quoi impressionner les randomisateurs fous d'en face.

Parallèlement à cela, j'ai énormément de choses à introduire aux joueurs qui sont moins des rencontres ponctuelles que des connaissances basiques de la vie en Outreterre : qu'est-ce qui est comestible, qu'est-ce qui ne l'est pas; comment gérer le passage du temps, s'orienter dans le noir, etc. Puisque le thème de la campagne se veut un peu gritty et âpre, je voulais faire en sorte que ces questions soient au centre de l'attention de tout le monde - au moins pour les premières séances.

D'aucuns utilisent les tables aléatoires à la volée, générant les rencontres au fur et à mesure. Je n'ai pas adopté cette méthode. En préparant la partie, j'ai simulé le voyage en générant les rencontres pour 10 jours (donc 20 jets), obtenant une demi-douzaine de rencontres "simples" pour lesquelles j'ai essayé d'en faire des moments de jeu intéressants. J'ai ensuite intercalé autant de saynètes de ma création, ayant pour objectif d'introduire des éléments de la vie en Outreterre : une nouvelle espèce de champignons ("Quoi? Il faut grimper le tronc de 10 mètres de haut pour atteindre les parties comestibles ?"), une brume surnaturelle qui altère les propriétés de la magie, etc.

Enfin, pour les jours où je n'avais quasiment rien prévu, nous les avons occupé à faire du roleplay entre les compagnons de voyage. Outre les PJ, il y a une dizaine de PNJ fugitifs, autant dire que c'est assez difficile de donner autant de temps d'écran à chacun. Lors des veillées, je faisais un tour de table des joueuses, demandant à chacune avec quel(s) P(N)J elle souhaitait interagir. Ces petites scènes roleplay avaient aussi pour objectif de faire parler de l'Outreterre par la bouche des PNJ.

J'ai trouvé cette façon de procéder assez efficace en pratique, équilibrant plutôt confortablement la répartition entre (i) découverte des spécificités du terrain , (ii) interactions et roleplay au coin du feu, et (iii) rencontres aléatoires pour remettre un peu de tension et d'action.

Dormez-bien

De terribles puissances surnaturelles et occultes sont à l'oeuvre dans l'Outreterre (on mentionnera, par exemple, l'incursion du prince démon Demogorgon dans la charmante bourgade de Sloobludop, parfait cliffhanger pour clôturer la session), et cela se manifeste notamment par des rêves troublés et étranges vécus par les personnages.

Ma façon de faire a été assez simple, inspirée de ce que j'ai trouvé sur les forums de MJ anglophones, et j'ai associé secrètement à chaque personnage un thème qui colorera ses mauvais rêves, et la combinaison de ce thème, des éléments du background et des actions en jeu m'ont donné toute l'inspiration dont j'ai eu besoin pour rédiger, pour chacun, un ou deux paragraphes décrivant un cauchemar.

J'ai systématiquement débuté chaque séance par la lecture, à voix haute et devant toute la table, d'un rêve (décidé aléatoirement), ainsi qu'un deuxième environ à mi-partie (avec 6 joueurs, il faut qu'on puisse "faire le tour" assez vite). Cela crée un peu d'ironie dramatique ("Pourquoi est-ce que Bidule à rêvé de cela ?") tout en ajoutant de l'ambiance angoissante à peu de frais.

Demogorgon sortant du Lac Noir pour dévaster la paisible bourgade de Sloobludop.

Gérer les combats

Je vais être assez honnête : autant j'apprécie les jeux de société de castagne et d'escarmouche, autant les combats dans D&D5 ne m'inspirent pas beaucoup de bien.2

Ils sont souvent trop longs comparés à leur intérêt narratif, et si la malchance s'en mêle, ça peut tourner au désastre. Typiquement, mes PJ devaient se faire capturer par une secte kuo-toa pour lancer la scène finale de la session, mais même en mettant 15 ou 20 affreux homme-poissons en face, mes joueuses tenaient bons. Heureusement, l'une d'entre elle a eu le bon goût de se laisser prendre en otage ce qui m'a permis de conclure la session dans les temps.

La campagne rend la gestion des combats d'autant plus difficiles qu'ils sont soient trop faciles, soient trop difficiles (selon ce qu'on tire à la rencontre aléatoire) et les PJ sont au top de leur forme, même en imposant des règles de guérison plus strictes.

Je n'ai pas encore trouvé de solution élégante pour rendre les combats plus rapides et plus fun. Je ne souhaite pas les éliminer complètement car mes joueuses les apprécient et ils font une partie du sel de D&D5 (autant jouer à un autre jeu, si c'est pour les éliminer).

En tout cas, j'ai réussi à contourner le Matt Mercer Effect (la plupart de mes joueuses regardent Critical Role) en ne préparant aucune battlemap, sciemment. Lorsqu'un combat survenait, ou bien je dessinais une scène sur une feuille (pas nécessairement vue de haut, en général plutôt vue de côté), ou bien, en positionnant des cartes à jouer illustrant l'ordre de marche des personnages, je plaçais mes monstres à côté et ça marchait plutôt bien comme cela.

Le mot de la fin

Avec ces deux sessions supplémentaires, on a "terminé" le prologue de la campagne, s'achevant par l'apparition de Demogorgon, qui illustre la couverture de la campagne. Le Grand Méchant étant posé, nous avons tous hâte de vivre la suite... Après le confinement. A bientôt !



2 C'est un comble tout de même pour quelqu'un qui possède plus de 300 figurines de monstres D&D...  

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