Note d'intention

 Depuis quelques temps déjà, je travaille à l'élaboration d'un jeu de rôle rien qu'à moi. Je m'y suis mis sérieusement l'été dernier, mais avec la rédaction de mon manuscrit de thèse, je n'avance que de façon erratique et pas assez vite à mon goût.

Néanmoins, j'ai rédigé une profession de foi, une lettre d'intention, pour verbaliser mes envies. Je vous la partage aujourd'hui. 

Avant cela, le jeu n'a pas encore de nom. Au départ, je voulais le nommer Saga, mais il existe déjà un excellent jeu de figurines du même nom. J'ai ensuite pensé au nom Réaume (un vieux mot pour royaume), mais il ne me fait pas vibrer plus que ça. Je prendrais le temps de retravailler tous les articles que je pourrais publier lorsque j'aurais trouvé un nom qui me satisfait !

Zéparti.

Un jeu moderne

Le premier point, et le plus important à mes yeux, est de créer un jeu moderne. Du point de vue game design, certes, mais surtout débarrassé des poncifs et stéréotypes qui nous pourrissent la vie dans le médiéval-fantastique. En 2022, y’en a marre de voir des jeux racistes, misogynes et/ou essentialistes continuer de sortir et se vendre comme des petits pains. La seule action, à mon échelle, que je puisse accomplir, c’est de faire un jeu libéré de ses carcans.

Un exemple, pour illustrer, pourrait être le Prieuré de l’Oranger, de Samantha Shannon. C’est un (excellent) roman de fantasy, tout ce qu’il y a de plus classique : des cartes, des noms à la con, des prophéties, plusieurs continents, des dragons, etc. Sauf que... les personnages féminins ont une place centrale, sont bien écrits et loin des poncifs bimbo / bonniche du genre. L’orientation sexuelle des personnages n’est pas exclusivement hétérosexuelle, sans que ça pose le quelconque problème à qui que ce soit dans l’univers du jeu. Bref, c’est pas grand chose, mais ça fait toute la différence.

Cela étant dit, en tant qu’homme blanc hétéro, je sais que je suis d’autant plus faillible à traiter ces sujets correctement que je ne vis pas de la même manière ces poncifs que d’autres personnes plus directement impactées. Comptez sur moi pour faire lire, et relire, tout ce qui sortira de mes ateliers.

Pour préciser un peu mon propos, et notamment parce je souhaite que chaque table puisse se forger sa campagne sur mesure (voir plus loin), je vais faire en sorte, concernant les éléments problématiques, soit

  • de les retirer purement et simplement, tout en laissant la possibilité à chaque table de les remettre. De dire que si une campagne traite (par exemple) d'homophobie ou de racisme, c'est pour répondre à un choix, qui a des conséquences, et pas uniquement pour se conformer à une norme.
  • de les laisser, mais de trouver un angle d’attaque qui élimine le traitement problématique. Par exemple, je n’ai rien contre le fait qu’on puisse avoir des orques vraiment affreux, pourvu que ce ne soit pas gratuit (”ils sont méchants parce que c’est comme ça”) et systématique (”absolument TOUS les orques sont comme ça, sauf un qui est gentil et se balade avec une panthère - mais les autres sont vraiment affreux”).

Inspiré par D&D4... et Quest

Le jeu se veut un hommage à la 4e édition de Dungeons & Dragons, et cherche à émuler de nombreux éléments que l’on pouvait y retrouver. Néanmoins, le jeu se veut également accessible dans son design et n’hésite pas à sacrifier des vaches sacrées donjonesques pour y gagner en simplicité. En quelque sorte, je cherche à y donner le même goût mais avec des ingrédients différents. On pourra donc qualifier le jeu de “médiéval-fantastique super-héroïque”. 

Par ailleurs, le jeu Quest a d’indéniables qualités - dont la simplicité - et je souhaite également m’en inspirer. Je vise un juste milieu : l’élégance de Quest et la richesse tactique de D&D4.

Progression rapide : de héros à divinité

Des jeux comme D&D regorgent de possibilités d’aventures épiques, mais le temps de jeu requis pour déployer une histoire complète du niveau 1 au niveau 20 (ou 30) est souvent rédhibitoire. Le but de mon jeu est de pouvoir vivre toute l’amplitude de puissance depuis un simple héros du quotidien à une quasi-divinité en un temps de jeu réduit au maximum - mais sans sacrifier pour autant la profondeur de l’histoire.

Il faudra qu’en une douzaine, voire une quinzaines de séances, on puisse vivre une campagne complète et épique. Les campagnes seront découpées en trois actes d’enjeux croissants, à la manière des films de super-héros : le premier acte voit les personnages affronter des menaces locales, qui mettent en jeu leurs proches; le deuxième acte élargit le cadre et commence à mettre en place des intrigues à l’échelle du monde entier, tandis que le dernier acte annonce des conflits cosmiques dont le sort de l’univers peut dépendre.

Trois phases de jeu

Je découpe le temps de jeu en trois phases distinctes : les phases d’aventure, de confrontation et de sanctuaire. Le design de chaque phase suit une philosophie différente.

Lors des phases d’aventure, les personnages vaquent à leurs occupations, explorent des terres sauvages, des donjons obscurs, parlementent avec les PNJ ou résolvent des problèmes divers. Durant une phase d’aventure, le système de jeu s’efface et se fait discret pour laisser la part belle à l’improvisation, au roleplay et aux bonnes idées. Quelques outils sont toutefois proposés à la MJ pour dynamiser et gérer ces moments, mais de façon la moins intrusive possible.

A l’inverse, les phases de confrontation sont dédiées exclusivement aux combats et voient le système de jeu revenir sur le devant de la scène. De mon expérience, la plupart des combats en jeux de rôle sont pénibles car ils tournent vite à la boxe écossaise, faute de choix tactiques pertinents. Je m’inspire donc de D&D4 pour les phases de confrontation (même si je simplifie beaucoup la complexité des combats) afin que chacun ait de véritables options tactiques à sa disposition. Ces phases se rapprochent, par certains aspects, d’un jeu de plateau, mais n’empêchent en rien le roleplay et les solutions créatives.

Je suis conscient qu’avoir des règles spécifiques pour le combat n’est pas nouveau dans le jeu de rôle, mais j’espère faire les choses suffisamment bien pour que l’intérêt s’en ressente : les combats sont un moyen efficace de faire grimper la tension narrative, et font partie à part entière du genre que le jeu cherche à émuler.

Finalement, les phases de sanctuaire sont dédiées au repos des personnages dans des lieux où ils sont en sécurité. Ces phases sont l’occasion de panser ses blessures, de préparer la prochaine aventure, et de jouer la vie de famille des personnages. Ici, aucun système ou presque n’est mobilisé, c’est vraiment le plaisir du roleplay de ces moments simples qui prime, et qui donne aussi du sens au reste des aventures (pourquoi s’échiner à sauver le monde si ce n’est pour préserver de tels moments ?).

Un monde persistant et co-construit

Les rôlistes ont tendance à s’attacher aux univers dans lesquels ils jouent, parfois pendant des années. Il est très satisfaisant de voir ces derniers évoluer, changer, au fur et à mesure que les actions des personnages ont des répercussions visibles autour d’eux (même lorsqu’il s’agit simplement de rétablir le statu quo face à une menace venue le déstabiliser).

Dans mon jeu, puisque les campagnes sont courtes, je souhaite deux choses : d’abord, qu’on puisse construire un bout d’univers de façon simple et rapide, pour pouvoir immédiatement jouer; mais aussi, qu’on puisse réutiliser et enrichir cet univers d’une campagne à l’autre. Les campagnes “officielles” proposeront des éléments pré-construits à intégrer, mais l’objectif est de permettre à la MJ et aux joueuses de construire ensemble le monde qui leur plaît.

Lorsqu’on terminera une campagne, les personnages seront devenus des légendes ou des divinités, et il faut que le monde du jeu reflète les changements qu’ils ont amorcés. Ainsi, entre deux campagnes, il s’écoulera quelques générations, de telle sorte que le monde reste globalement le même, mais sans figer le cadre de façon trop stricte; et les nouveaux personnages pourront, pourquoi pas, incarner des paladins voués à un précédent personnage devenu divinité; ou des sorciers à la solde du spectre d’un autre ancien personnage.

Un monde fragmenté par les querelles des Puissances

Puisque les campagnes sont courtes, elles sont bâties pour amener rapidement des enjeux d’ordre cosmique. En l’occurrence, les machinations des Puissances (terme désignant indifféremment n’importe quelle entité avec un pouvoir phénoménal- imaginez les classiques Dieux, Grands Anciens, Princes Démons, etc) sont souvent au centre des intrigues, et sont mises en avant bien plus rapidement que dans des campagnes classiques au long court.

Dès lors, la construction du monde elle-même reflète les complots et guerres que les Puissances ont mené ou mènent encore, de telle sorte que les Puissances ne sont pas de vagues entités surpuissantes en arrière-plan; elles sont là, à nos portes, et souvent mal intentionnées. Le monde est couturé de cicatrices laissées par les conflits passés, et la tâche des héros sera bien souvent de prévenir plus de dégâts, ou de réparer et reconstruire des erreurs.

Servir les Puissances

Puisque centrales dans la narration et l’univers, les Puissances sont également importantes dans le système et la construction des personnages. Chaque Puissance se manifeste différemment, mais toutes sont en mesure de fournir du pouvoir aux personnages.

Les différentes capacités, objets magiques, bénédictions que les personnages possèderont seront colorées, teintées, par une Puissance particulière, représentant le lien particulier (consenti ou non) entre un personnage et les Puissances du mondes. Chaque “race” de créatures est également liée à la Puissance qui l’a créée.

Le mélange de ces colorations ouvrira la voie, en terme de système, à différentes “classes de prestige”, et narrativement, à des dilemmes et des choix moraux. Par ailleurs, c’est l’accumulation de ce pouvoir, emprunté aux Puissances, qui permettra aux personnages de tutoyer ces dernières en fin de campagne, et pourquoi pas, prendre leur place ou les rejoindre.

 C'est tout pour le moment

Imaginez bien que j'ai encore un millions d'idées dont je veux vous parler, mais voici déjà l'essentiel. Si vous vous retrouvez dans ce que je raconte, n'hésitez pas à me suivre sur Twitter pour avoir des nouvelles (entre deux atermoiements de la rédaction de ma thèse).

Je vous laisse avec un petit aperçu des caractéristiques de combat, qui sont assez chiche comme vous pouvez le constater.



 

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